LA COMMISSION SÉNATORIALE PERMANENTE DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit par vidéoconférence 18 h 45 [HE] pour étudier le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Le sénateur Leo Housakos (président) préside.
Le président : Honorables sénateurs, je suis Leo Housakos, sénateur du Québec et président de ce comité. J'aimerais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
Sénateur Simons : Bonjour, je suis le sénateur Paula Simons, de l'Alberta, territoire du Traité 6.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.
Le sénateur Klyne : Bonsoir. Je suis Marty Klyne, de la Saskatchewan, territoire du Traité 4.
Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Sorensen : Karen Sorensen, de l'Alberta.
Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l'Ontario.
Sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l'Ontario.
Sénateur Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Comparution de M. Luc Fortin, président, Guilde des musiciens et musiciennes du Québec:
(extraits)
Bonjour. Tout d’abord, je remercie sincèrement le Comité sénatorial permanent des transports et des communications de nous inviter même à cette heure tardive, nous travaillons très fort tout le monde. Je suis Luc Fortin, le président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec et aussi la section locale 406 de la Fédération canadienne des musiciens. Je salue l’intervention de mon vice-président. Nous avons été fondés en 1905 et nous représentons près de 3 100 musiciens professionnels dans la province de Québec. Nous sommes reconnus par les lois fédérales et provinciales du statut de l’artiste.
Je tiens à souligner que nous avons appuyé le projet de loi C-11 depuis le début et endossé les conclusions du rapport Yale qui précédait la rédaction du projet de loi. Le projet de loi C-11 est d’une grande importance pour la culture canadienne et les créateurs et artistes. Il est primordial que les multinationales qui diffusent des contenus médiatiques et culturels soient soumises aux mêmes règles que nos entreprises canadiennes. En ce sens le projet de loi C-11 constitue un grand pas en avant. Je dois cependant souligner deux aspects de la Loi qui auront besoin d’ajustements pour assurer que cette équité entre les GAFAs et nos entreprises soit pleinement respectée. J’aimerais parler de l'alinéa 3(1)f) du projet de loi C-11 qui parle de l’emploi des ressources humaines canadiennes. À la lecture de cet article, on remarque un traitement différent pour les entreprises en ligne étrangères vis-à-vis les entreprises canadiennes.
Les entreprises canadiennes sont tenues d’employer des ressources humaines, créatrices et autres, canadiennes et de faire appel à celles-ci au maximum tandis que pour les entreprises étrangères seraient tenues de faire appel dans toute la mesure possible aux ressources humaines canadiennes. On voit ici qu’il y a ici une différence subtile, mais importante. C’est-à-dire qu’il y a une grande différence entre faire appel au maximum et faire appel dans la mesure du possible. Cela entraînera inévitablement que les producteurs étrangers trouveront des moyens de justifier des dépenses moindres en main-d’œuvre canadienne en prétextant qu’il ont essayé dans la mesure du possible.
Ce serait facile pour les géants du Web comme Amazon et Netflix de sous-traiter des enregistrements de musique de film à des orchestres à bas prix en Europe de l’Est en prétextant qu’ils ne pouvaient pas faire autrement à cause de différences de prix, mais en même temps, on prive de travail nos excellents musiciens canadiens.
Toutes les entreprises devront être tenues d’employer des ressources humaines canadiennes au maximum et non seulement dans la mesure du possible. Pourquoi obliger les entreprises canadiennes à faire quelque chose que les entreprises étrangères ne seraient pas obligées de faire ici? Je souligne aussi l’amendement fédéral à la Loi sur le statut de l’artiste que mon collègue Alan Williart a évoqué tantôt et que beaucoup de mes collègues des associations d’artistes soulignent aussi.
C’est un amendement surprenant ajouté in extremis en juin, sans aucune consultation auprès de ceux qui étaient le plus concernés par cet ajout. L’application de la Loi sur le statut de l’artiste permet aux syndicats de négocier des conditions de travail équitables pour les artistes, qui sont des travailleurs indépendants.
Nous priver de ce droit nivellera par le bas nos conditions de travail et créera encore un régime à deux vitesses selon que l’entreprise est étrangère ou non. Par exemple, Netflix pourrait décider de devenir lui-même un producteur-diffuseur pour se soustraire à l’application de la loi et même Radio-Canada pourrait le faire. Radio-Canada qui produit du contenu en ligne, TVA au Québec, le National Film Board qui vont dire que maintenant : Au lieu de sous-contracter à des producteurs indépendants, je vais rouvrir mon studio maison pour produire moi-même et je n’ai plus d’entente collective à respecter. Donc, par magie leurs obligations envers les syndicats, les conditions de travail minimales disparaîtraient. Il est impératif de ne pas toucher à la Loi sur le statut de l’artiste et de la laisser intacte pour que tous nos artistes et entreprises canadiennes soient traités de manière équitable. Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Senator Klyne: My first question is for Mr. Fortin. Of course, other panellists can offer their comments as well.
The question relates to clause 31.1 of the bill, which affects the Status of the Artist Act.
Several groups — including a couple this evening — that represent small and independent artists have already expressed their concern with this clause of the bill and have stated that exempting online enterprises from the provisions of the Status of the Artist Act will have a negative impact on the working conditions and wages of performers who are contracted to work for online productions.
Mr. Fortin, could you quantify for us what you expect those negative impacts will be? Is it due to reduced wages or worsened working conditions or is it some other consideration that we should be aware of? Maybe you’d like to elaborate on the example you gave about NFB changing out employees in a studio. It’s not that easy to do.
Mr. Fortin: First of all, we have to make a distinction between federal institutions like the NFB or CBC or a broadcaster in Quebec like TVA, and foreign online undertaker. Those are two separate things.
That’s talk about the NFB or CBC. We have collective bargaining agreements with these corporations under federal law.
Let’s talk about CBC. CBC, French and English, in the past produced a lot of programming and musical content. After a while, they decided to subcontract to independent producers. In Quebec, we have independent companies. There are a lot of them. They are represented by the AQPM in Quebec and the CMPA in Canada. They produce the content for the broadcaster. Then they are submitted in Quebec to collective bargaining agreements with the artists' associations.
But if the NFB or CBC decide to open their own studio [Technical difficulties] right before, or online undertaking, then the law does not apply to them for that online undertaking, because they’re now back to the old days when they were producers. We still have a collective bargaining agreement with them when they produce, but for the online undertaking, we cannot.
Then all the collective bargaining agreements that we negotiated, painfully, over the years to get minimal conditions for our artists would be made void by this amendment — for the part with online undertakings.
There is a lot of online production. In Quebec we have TOU.TV and something else in English Canada. This is a real threat.
Senator Klyne: You’re telling me that your CBA would not prevent that from happening because it’s online producers versus in-house producers?
Mr. Fortin: Yes, because Bill C-11 would give power to the producer, the broadcaster, to get out of the law — being himself an online undertaking production company.
Senator Klyne: There are no survivor rights? If NFB was bought, that CBA doesn’t just disappear.
Mr. Fortin: The CBA will stay for the productions that are not online. But everything that is solely online would be exempted from the law. There are more and more online productions, so that’s a real threat.
For Netflix and the GAFA, it’s almost the same thing. They would be tempted to create their own productions and be exempted from the Status of the Artist Act. That would even be a threat for independent productions, because suddenly there will be unfair competition from Netflix because, oh, you cost more because you have to deal with the unions. We don’t have to, so it will cost less. That’s not hypothetical; that’s a real problem.
Senator Klyne: I understand.
Le sénateur Cormier: Je n’ai pas de question pour la SPACQ, mais je voudrais en profiter pour souligner la contribution exceptionnelle de M. Luc Plamondon, de Mme Diane Juster et de Mme Lise Aubut, qui ont fondé la SPACQ, il y a plusieurs années, pour aider les auteurs.
Je vois que les revendications que vous faites, monsieur Alonso, rejoignent d’autres revendications que nous avons entendues et pour lesquels nous avons obtenu des réponses. Je voulais simplement souligner le travail des fondateurs de la SPACQ.
Ma question s’adresse à M. Fortin, de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec. J’ai déjà été membre de cette guilde pendant des années. Je voudrais que ce soit clair pour tout le monde que j’ai une connaissance particulière de la guilde pour avoir été membre.
Ma question concerne l’alinéa 3(1)f) sur la différence qu’on exige des entreprises canadiennes en ligne versus les entreprises étrangères quant à l’utilisation de ressources humaines canadiennes. On demande aux entreprises canadiennes d’utiliser au maximum les ressources humaines canadiennes, alors qu’on demande aux entreprises en ligne de les utiliser dans la mesure du possible.
Nous avons reçu ici, au comité, M. Ripley, le sous-ministre adjoint de Patrimoine canadien, et j'ai soulevé cet enjeu. En fin de témoignage, en répondant à la question sur la différence entre les deux exigences, il a dit ceci : « C’est pourquoi le travail du CRTC sera de déterminer, en considérant le modèle d’affaire de tous ces services, la contribution appropriée qu’ils peuvent apporter au système de radiodiffusion canadien. »
Est-ce que je saisi bien, par cette affirmation, que le CRTC, de toute façon, aura à évaluer le type d’entreprise, que ce soit une entreprise étrangère en ligne ou une entreprise canadienne en ligne, pour déterminer les exigences? En d’autres mots, est-ce qu’on ne pourrait pas penser que les deux types d’entreprises pourraient avoir le même type d’exigences? Le CRTC aura à poser un regard sur ces deux enteprises. Ma question est un peu longue, mais est-elle claire?
M. Fortin: Oui, votre question est claire, mais je souligne que la prémisse pour évaluer cette contribution ne partira pas du même endroit. On parle du maximum possible et l’autre, dans la mesure du possible. Qu’est-ce que cela veut dire dans la mesure du possible? J’ai des contraintes budgétaires, je peux imaginer toutes sortes de choses qui font que je ne peux pas faire plus que ce que je fais, mais j’y vais dans la mesure du possible. Alors que le maximum possible, ce n’est pas la même prémisse.
Le sénateur Cormier: Je m’excuse de vous interrompre, monsieur Fortin, mais c’est le sens de ma question. On ne pourrait pas demander une utilisation au maximum de ressources canadiennes pour les deux types d’entreprises qui seront évaluées ensuite par le CRTC, de toute façon?
M. Fortin: On se comprend là-dessus. Tout le monde dans le domaine des associations d’artistes le veulent. Ce sont les mêmes exigences pour tout le monde. On peut toujours faire le maximum possible et ce sera au CRTC d’évaluer si le maximum a été fait, mais pour le faire, on doit tous partir sur le même pied d’égalité. On ne peut pas partir de deux endroits différents.